A l’occasion de notre deuxième Luxury Masterclass, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Joséphine Yu, Senior Jewelry & Bridal Product Manager chez Chaumet.
Bonjour Joséphine, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis diplômée de la promo 2016 de l’emlyon business school et j’occupe le poste de Chef de produit depuis 5 ans maintenant.
En première année de classe préparatoire, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J’avais une certaine appétence pour le commerce mais je ne me voyais pas vendre des dentifrices. Ce qui m’intéressait, c’étaient les produits qui ont une esthétique et une histoire.
J’ai effectué tous mes stages chez LVMH. Mon premier a eu lieu au sein de La Petite Epicerie en Marketing. Mon rôle était d’aider à trouver comment raconter une histoire à la personne qui vient découvrir le produit en magasin et donc d’ériger une véritable identité visuelle et une cohérence globale.
J’ai ensuite effectué un stage en vente chez Christian Dior Couture, suivi d’un stage en Marketing chez Baby Dior, au poste d’assistante Chef de Produit.
Pouvez-vous nous parler de Chaumet ?
Chaumet est une maison parisienne de joaillerie fondée en 1780 par Marie-Etienne Nitot et implantée depuis 1812 en plein coeur de la mythique place Vendôme. L’histoire de la maison est intimement liée à l’histoire de France en tant que joaillier officiel de l’impératrice Joséphine et de Napoléon Ier. Chaumet est notamment à l’origine de la couronne du sacre de Napoléon et du manche de son épée.
On retrouve cette proximité avec l’héritage royal notamment avec la présence de l’épi de blé, symbole royal par excellence, sur de nombreuses pièces de joaillerie.
En 1907, la maison installe sa boutique au 12 place Vendôme. A l’étage du dessus, on retrouve différents salons qui dévoilent l’histoire du joaillier. On y trouve notamment le salon Chopin, classé au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO, où le pianiste a composé ses derniers morceaux.
Ces salons sont des lieux qui ont su conserver le patrimoine historique de Chaumet et ils sont donc régulièrement utilisés pour des lancements, des tournages et des présentations de collections. A l’étage supérieur se trouve l’atelier de haute joaillerie, haut lieu du travail des pierres. Le joaillier s’attache tout particulièrement à allier le scientifique du travail des pierres à l’émotionnel, en accompagnant les moments forts de la vie de ses clients.

Quelles sont vos missions en tant que chef de produit ?
Le rôle du chef de produit en marketing développement consiste à penser et mettre en musique la stratégie-produit : qu’est-ce qu’on fait de la collection ? Quelle est l’histoire que l’on veut raconter ? Il y a également une part importante d’analyse du marché, de la concurrence, des prix, des tendances…. En règle générale, nous élaborons le plan de produit 2 ans à l’avance.
L’étape suivante est le pilotage du 360. Il s’agit à ce stade de décider de qui accompagne le lancement d’un produit et de la forme que va prendre le plan média : quelle est l’importance à donner au digital et à la presse par exemple.
Une des missions du chef de produit est aussi d’accompagner le business que l’on a déjà sur des pièces plus anciennes. Il évalue alors ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il décide aussi de quand arrêter la commercialisation d’une pièce si elle arrive à la fin de son cycle de vie.
Il y a aussi une part de merchandising dans mes missions. J’évalue quel produit il semble plus pertinent d’exposer dans telle ou telle boutique en fonction des clients qu’elle draine. Par exemple, une boutique au Japon n’aura pas le même assortiment produit que la boutique de la place Vendôme. C’est donc une mission très chiffrée car il y a une véritable analyse des performances de chaque produit à faire : il faut voir les produits qui fonctionnent et ceux qui, au contraire, ne fonctionnent pas.
Il y a enfin tout ce qui tourne autour des lancements et particulièrement les fiches produit. Celles ci rassemblent les informations de type : Pourquoi fait- on ce lancement ? Quels sont les prix de vente ? Qu’est-ce qu’on raconte au cours de ce lancement ? ….
Je n’ai donc pas vraiment de de journée type, dans la mesure où je suis en interaction avec énormément de départements différents.
Quelles sont les qualités requises pour ce poste ?
Il est vrai que la joaillerie et plus globalement le marketing du luxe est un secteur extrêmement exigeant et compétitif.
Un chef de produit doit aimer travailler avec des personnalités et des profils différents. A titre d’exemple, je peux être amenée à travailler avec la création, la qualité, le développement et la supply chain dans la même journée.
Il est aussi essentiel d’avoir l’esprit d’équipe car le chef de produit est le chef d’orchestre entre différentes personnalités et différents services.
Il doit enfin être rigoureux et organisé afin de mener à bien ses missions de mise à jour de documents de pricing et de fiches produits qu’il doit transmettre aux autres équipes.
Il doit également être capable de s’adapter aux deadlines qui changent au fil des urgences : il est commun de travailler en même temps sur une collection qui sortira dans 2 ans qu’un lancement prévu pour dans 2 jours.
Comment la maison Chaumet se place-t-elle face à la concurrence ?
Il est vrai que Chaumet est moins connu du grand public que Tiffany et Cartier et reste une maison avec un effectif nettement moins important que ses concurrents (250 personnes).
Toutefois, fort de ses 240 ans d’histoire, l’objectif du joaillier est de continuer à gagner de nouveaux clients en s’implantant davantage au Moyen-Orient et en consolidant sa place en Asie.
Le marché américain reste cependant très difficile d’accès dans la mesure où il est largement dominé par Tiffany et requiert un investissement initial considérable pour s'y implanter.
Y a-t-il des initiatives RSE au sein de la maison ?
Bien sûr ! Chaumet se soumet au processus de Kimberley et RJC qui trace les pierres et métaux utilisés afin de garantir que l’on se fournit chez des fournisseurs qui ont des conditions éthiques de travail.
Comment Chaumet s’est adapté à la crise du coronavirus ?
Il est indéniable que cette crise a été très compliquée car Chaumet n’a pas de e-commerce. Les lancements prévus ont donc dû être décalés mais les collections n’ont pas changé.
Nous avons principalement tablé sur une réorganisation de budget, en investissant plus que prévu dans le digital afin de développer des outils qui permettent aux vendeurs d’être en contact avec le client.
Merci à Joséphine Yu de nous avoir partagé son expérience.

Réalisé par Lorine Lozachmeur