
Pourriez-vous nous résumer votre parcours professionnel jusqu’à présent ?
Après mes études à l’emlyon business school, je suis partie à New-York, où j’ai occupé un poste en marketing dans la Maison de Parfums Symrise. Je suis ensuite partie à Hong-Kong ou j’ai travaillé chez Cartier. Je travaillais avec la directrice marketing de la région et j’avais deux missions principales : travailler avec elle au quotidien et lui fournir les données et informations importantes au business, et consolider le plan stratégique de la région.
Par la suite, j’ai eu envie de changer et de travailler dans le retail. J’ai eu une opportunité au sein de Richemont, en tant que Retail Executive chez Roger Dubuis. Il y avait un côté administratif : gérer le quotidien des boutiques et une partie Training. Ensuite, j’ai eu une promotion et je suis devenue Retail Manager. J’étais en charge d’ouvrir les nouvelles boutiques. C’était très enrichissant d’orchestrer la création de la boutique de A à Z et d’assister à son développement ainsi qu’à celui de ses vendeurs.
Lorsque j’ai déménagé à Sydney, je me suis lancé le challenge de retourner en boutique. (J’avais été vendeuse, mais jamais directrice de boutique). J’ai pris un poste de Sales Manager chez Tiffany’s, dans une des plus grosses boutiques de la marque, un ‘Flagship’. Ce qui m’intéressait particulièrement, c’était de vraiment comprendre comment motiver une équipe de vente car c’est different de motiver une équipe de bureau. J’ai adoré être sur le terrain et vraiment travailler au quotidien avec une grosse équipe aux profils extrêmement variés. Le vrai défi de ce poste, était de faire du management personnalisé avec une équipe très importante (jusqu’à 70 personnes), les motiver et créer l’envie de dépasser les objectifs, ensemble, en équipe.
Par la suite j’ai été approchée pour lancer la marque Chaumet en Australie. J’ai été recrutée parce que j’avais fait du Retail et du Marketing et qu’ils cherchaient quelqu’un avec la double compétence. Cela a vraiment été un gros challenge car je ne partais de rien et je devais construire une notoriété de marque. J'ai eu la chance de recruter une équipe formidable avec qui on a fait de super résultats !
Enfin, j’ai déménagé à Singapour pour devenir Country Manager de la marque italienne Tod’s et la marque française Roger Vivier. Le poste est assez similaire à celui que j’avais de Brand Manager en Australie. Je reporte au Managing Director de la région, basé à Hong-Kong.
Vous avez fait preuve d’une grande mobilité, que vous a-t-elle apportée dans votre carrière?
A l’origine, je ne suis pas très patiente, mais travailler à l’étranger, ça m’a appris à l’être, parce que cela permet d’accepter beaucoup plus la différence culturelle. J’ai appris à travailler avec des gens extrêmement différents. D'un point de vue professionnel, cela m'a aussi beaucoup appris, car ce que je vends, c’est mon adaptabilité. J’ai la possibilité de m’adapter très vite et de me construire un nouveau réseau facilement lorsque je change de métier ou de pays.
A Hong-Kong, par exemple, où le luxe est ultra développé, j’ai appris énormément de “Best Practice”, a Sydney, j’ai appris a travailler avec et à motiver des ‘Millennials’. C’est très enrichissant de rencontrer différentes personnes et d’explorer différentes manières de travailler. A chaque nouvelle destination, il y a une certaine réinvention, et j’adore ça.
En quoi consiste le métier de Country Manager ?
En tant que Country Manager à Singapour, je suis rattachée au Managing Director de la région Asie-Pacifique. Je suis en quelque sorte le relai de leurs directives (Marketing, Evènement...) pour faire en sorte d’atteindre nos KPI. Je fais un travail de coordination entre la région et le pays : je transmets toutes les informations et les besoins de Singapour à Hong-Kong pour qu’ils puissent faire le travail de fond grâce à des grosses équipes de marketing, de communication...Par la suite, j’applique leurs directives et je m’occupe de la visibilité en terme de Marketing par exemple. Il s’agit d’organiser les meilleurs évènements possibles, de négocier de l’exposition avec les magazines. Je m’occupe bien évidemment du réseau de boutiques existant, de le rendre le plus performant possible en travaillant quotidiennement avec les équipes, d’ouvrir des nouvelles boutiques, d’entretenir des relations avec les landlord...Mon but est de faire que la marque soit le plus visible possible et qu’elle grandisse le mieux et le plus possible.
En ce qui concerne les missions principales, les réponses peuvent être variées en fonction du focus. Pour ma part, c’est le management humain, et donc le Retail. J’ai une croyance profonde que les personnes les plus importantes dans une entreprise dans le luxe sont les vendeurs, car c’est eux qui sont au contact des clients. L’image de marque, c’est eux. Les clients vivent l’expérience de la marque a travers l’équipe de vente et c’est via eux que les informations sur ce que les clients veulent peuvent remonter aussi. Il est, pour moi, essentiel de développer une relation de confiance et d’avoir une excellente communication avec les directeurs de boutiques et les vendeurs. Je passe tous les jours en boutique pour échanger avec les équipes et créer des relations.

Quelle est la chose qui vous enthousiasme le plus dans votre profession ?
J’adore développer les gens et développer les marques. Il n’y a rien que j’aime plus que de voir évoluer quelqu’un que j’ai embauché. Par exemple, j’ai eu une stagiaire chez Roger Dubuis, qui est devenue Brand Manager l’an dernier ! Je trouve ça super intéressant de suivre les gens, de les aider à grandir.
J’aime aussi le challenge de faire croître les marques qui sont sous ma responsabilité.
Vous avez exercé plusieurs positions, pouvez-vous nous parler un peu de ces transitions ?
Passer de Cartier a Roger Dubuis, donc de la plus grosse marque de Richemont à la plus petite a été un petit choc. Même si en theorie tout est pareil, puisque c’est le même groupe, les moyens sont très differents et il y a eu une période d’adaptation. Changer d’entreprise permet de réaliser que ce qu’on tient pour acquis, dans les manières de travailler, de penser même, ne le sont pas forcément. Chaque entreprise est différente et a sa propre culture, y compris au sein d’un même groupe.
Prendre le poste chez Chaumet a été sans aucun doute la plus grosse transition. Prendre la tête d’un pays implique un quotidien très différent. On est moins dans la ‘production’ de savoir ou de données, même si bien sûr, quand on lance une marque, le coté opérationnel reste très important ! La partie relationnelle du métier de Brand Manager, est aussi très importante avec beaucoup d’acteurs différents : son équipe, son management, la compétition, les partenaires externes… C’est une nouvelle partie du travail qu’il a fallu apprendre, et vite !
Quels débouchés y a-t-il après avoir été country manager ?
Après avoir été Country Manager, on peut s’orienter vers des marques plus grosses ou des marchés plus gros. Ou bien on peut retourner a la region/ au siege et devenir, par exemple , directeur commercial de la zone.
Quels seront selon vous les enjeux et évolutions majeurs de demain dans votre domaine ?
Je pense qu’il va y avoir une grosse question sur l’écologie et la sustainability. Parce qu’aujourd’hui la Mode est une industrie qui pollue considérablement et les gens en ont conscience. Le Luxe est un très beau secteur, qui protège des savoir-faire et qui produit des pièces exceptionnelles dans des conditions exceptionnelles. Le luxe peut être cite en exemple en ce qui concerne la responsabilité sociale. Par exemple avec la crise actuelle du Covid-19, le luxe s’implique beaucoup. LVMH produit du gel hydroalcoolique et des masques, Chanel et Hermes n’auront pas recours aux aides de l’Etat pour le chômage technique… Le secteur sur lequel la mode du luxe a encore des progrès a faire c’est l’empreinte écologique.
Demain, le challenge pour les marques de luxe sera de produire et de recycler ‘mieux’ car les consommateurs du luxe sont de plus en plus regardants sur l’éthique certes, mais aussi l’écologie et la sustainability.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux étudiants de l’EM Lyon ?
Mon conseil à tous ceux qui veulent travailler dans le luxe, c’est qu’il faut vraiment faire du terrain. Moi, je suis tombée dans le luxe un peu par hasard grâce à la vente en boutique.
Pendant mon stage de première année j’ai fait un premier stage à Coventry en Angleterre qui était censé être du marketing mais qui n’était pas ce à quoi je m’attendais. J’ai donc regardé sur le site de LVMH et ils cherchaient des vendeuses à Londres. C’est comme cela que j’ai travaillé chez Céline pour ce stage et c’était une super expérience. C’est le métier qui m’a le plus aidé dans ma carrière ! J'ai appris les questions que posent les clients et leurs attentes, qui sont des choses que l’on ne peut pas deviner. Par exemple, je voulais travailler dans le marketing, mais avant de faire des briefs produits, il faut s’avoir à quelles questions le vendeur devra répondre.
L’autre conseil est de ne pas hésiter à travailler dans plusieurs domaines et de développer des doubles compétences. Cela permet de découvrir les différentes priorités des secteurs et exercer deux métiers dans deux domaines différents assez tôt dans sa carrière, permet de mieux comprendre l’entreprise en tant que tel. Pour ma part, cette double exposition Marketing & Retail a vraiment accéléré ma carrière.
Interview réalisé par Noémie Lintz