Echanger avec Jean Larivière, c’est un peu comme faire un voyage dans le temps. Un temps ou Zoom n’était pas une application de visioconférence mais la revue la plus en vogue dans le monde de la photographie, un temps où la photographie numérique n’existait pas et où tout le monde ne pouvait pas se dire photographe, un temps où la Nouvelle Vague venait d’émerger.

Jean Larivière la connu d’ailleurs, il en a même cotoyé un des pontes. Avant de basculer vers la photographie, il était l’assistant de Chris Marker, réalisateur célèbre entre autres pour son film précurseur « La Jetée » (1962). Depuis sa sortie de l’école des Beaux-Arts d’Angers, Jean se passionne pour la cinématographie et la recherche artistique.
Dans les années 1970, alors âgé d’une trentaine d’années, il commence à s’intéresser à la photographie et se voit confier des portraits qu’il désigne de « portraits de commande », le détournant de son travail artistique pour un travail plus nourricier.
L’âme du Voyage : la plus longue campagne publicitaire de l’histoire
En 1978, Jean Larivière est contacté par une agence de publicité afin de réaliser un catalogue pour l’icônique marque à la mallette : Louis Vuitton. Il est à un tournant de sa vie, réalisant ses premières campagnes de pubs (pour Van Cleef and Arpels entre autre) mais tenté par l’envie de replonger dans le cinéma. Chris Marker vient d’ailleurs de lui proposer d’être le réalisateur fantôme de François Reichenbach pour la réalisation d’un film sur Henri Lartigue. On lui propose la liberté du côté de la photographie, de vivre sa passion dans l’ombre du côté du cinéma. Qui aurait pu croire que cette décision se jouerait sur une coïncidence ?
Jean, parti rejoindre sa compagne qui réalisait un reportage à Montréal, se retrouve un jour dans un taxi à parler avec elle de cette décision qu’il n’arrivait pas à prendre. Il fait arrêter le taxi quelques instants pour que sa compagne le photographie à un coin de rue qu’il a remarqué. Elle prend la photo et revient en se tordant de rire. Il lui fait remarquer que c’est incroyable, et elle lui répond qu’il n’a pas tout vu. Il est à un croisement, il avait été attiré par le panneau indicateur « Rue Lartigue » mais il n’avait pas vu que le croisement se faisait avec la « Rue Larivière ». En remontant dans le taxi, sa compagne lui souffle : « Prends Vuitton parce que la rencontre avec Lartigue est déjà faite ».
Ainsi, démarre une collaboration exceptionnelle dont le but est d'insuffler une nouvelle image aux produits que vend la marque en les immortalisant dans des endroits qui ne sont pas reconnaissables pour offrir des images aux nuances oniriques.
Jean Larivière souhaite de plus faire de ses photographies, des clichés « hors du temps », car c’est ce que le luxe représente pour lui. Les équipes de Louis Vuitton lui donnent une liberté presque totale pour son premier catalogue.
Après ce premier rendu, il reste un an sans nouvelle, puis un jour, la marque le rappelle. Désormais, on lui propose de repartir et de ramener trois photos de ses voyages. Il a la possibilité de choisir un pays sans que la maison ne soit regardante dessus, ni sur le lieu exact du shooting. Seule chose imposée : certains produits de la marque doivent apparaître.
Le résultat n’est évalué qu’à son retour sur deux critères : la photo doit être bonne et intéressante .
Alors qu’il n’a jamais fait de paysage, Jean Larivière vient d’initier la plus longue et la plus célèbre campagne publicitaire de l’histoire : 28 ans de collaboration et la naissance de l’âme du voyage, l’essence de Louis Vuitton.
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Interview et article réalisé par Noémie Lintz
Crédits :
https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/articles/lame-du-voyage
http://www.jeanlariviere.fr/labyrinthe.html